IL Y A LES ECRIVAINS AUX LONGS TITRES ET LES ECRIVAINS AUX TITRES COURTS.
CEUX QUI INTITULENT UNE CHOSE "LUI",
ET CEUX QUI L'INTITULENT
"L'HOMME AYANT RETIRÉ SA MONTRE S'ASSEYAIT POUR DÉJEUNER".
Ramon Gomez de la Serna





jeudi 13 septembre 2012

CATHERINE FROMENT / ficelles, lampe, assiette et vaches


On achève bien les hommes, in La spectatrice de la vitesse, R.R. écritures

Je rentre chez moi.

Je me brosse les cheveux,
ça fait trois ans que je les laisse pousser,
je les brosse,
je les accroche à des petites ficelles au plafond
qui donnent un volume,
du relief à ma tête,
je demande à mon compagnon
d'allumer chaque ficelle,
il le fait,
ça y est je suis un lion en flammes
et d'un coup ce connard flippe,
il rapplique avec des seaux d'eau,
je me laisserai plus avoir par un lâche pareil.

Je suis chez moi,

je prends deux lampes,
je m'assoie au milieu sur un fauteuil,
j'allume les deux lampes
et lentement je mets mes mains sur chaque ampoule,
je serre le tout jusqu'à ce qu'elles se brisent, 
je passe de l'autre côté.

Je rentre chez moi,

je vais dans chaque pièce
et je décide d'aligner toutes mes affaires
depuis la salle de bains, la chambre,
le salon, le couloir,
je dispose toutes les affaires en queuleuleu
jusqu'à la table de la cuisine,
je sors une assiette, un couteau et une fourchette,
et je commence à manger toutes mes affaires,
tranquillement,
mon grille-pain, ma gazinière, ma mobylette,
mon cactus,
toutes mes affaires passeront à travers moi,
et trépasseront avec moi.

Je pars loin,

dans une montagne perdue, j'arrive à une ferme,
il fait un brouillard terrible,
je rentre dans l'étable pleine de vaches,
il fait une chaleur, quel bonheur,
je me dénude,
je m'attache au corps d'une vache en longueur,
je suis collé à la vache,
je demande au paysan de bien m'aider,
de me nouer avec les cordes jusqu'à être immobile,
j'entends le coeur de la vache, je vis avec elle
comme cela,
les jours passent, je m'évanouis,
je me réveille quelquefois,
je m'accroche à la vache, elle me regarde,
elle m'accompagne,
le dernier jour de ma vie, elle me regarde,
nos larmes s'entremêlent,
je lâche la vie,
je demande au paysan de me laisser encore morte
quelques jours avec la vache,
c'était ma plus belle mort.